Nombres complexes (2ème partie)

I- Forme trigonométrique d'un nombre complexe

Le plan est muni d'un repère orthonormal direct \((O;\vec{u},\vec{v})\).
A tout point \(M\) de coordonnées cartésiennes \((x;y)\) est associé le nombre complexe \(z=x+iy\).
\(M\) possède aussi des coordonnées polaires \((r;\theta)\) avec \(r=OM\) et \(\theta=(\vec{u},\overrightarrow{OM})\).
On a : \(r=\sqrt{x^2+y^2}\).
De plus : \(x=r\cos\theta\) et \(y=r\sin\theta\), donc \(z=x+iy=r(\cos\theta+i\sin\theta)\).

Remarque : Les coordonnées polaires ne sont pas uniques, contrairement aux coordonnées cartésiennes. En effet, l'angle \(\theta\) n'est défini que modulo \(2\pi\). Ainsi, les couples de coordonnées polaires \((2;\frac\pi 4)\) et \((2;-\frac {7\pi} 4)\) correspondent au même point de coordonnées cartésiennes \((\sqrt 2;\sqrt 2)\). De plus, l'angle \(\theta\) n'est pas défini pour le point \(O\) (origine du repère).
Définition
Soit \(z\) un nombre complexe non nul.
\(z\) peut s'écrire sous la forme \(z=r(\cos\theta+i\sin\theta)\) où \(r\) et \(\theta\) sont deux nombres réels avec \(r\geq 0\). Cette forme est appelée une forme trigonométrique de \(z\).
Soit \(M\) l'image de \(z\) dans le plan complexe.
\(r\) est la longueur \(OM\) et est appelé le module de \(z\).
Si \(z\neq 0\), \(\theta\) est une mesure de l'angle \((\vec{u},\overrightarrow{OM})\). \(\theta\) est appelé un argument de \(z\).

Lien entre forme algébrique et forme trigonométrique :

Exercice : 1) Déterminer le module et un argument (arrondi au dixième, en degrés et en radians) du nombre \(z=3+4i\), puis écrire \(z\) sous forme trigonométrique.
2) Ecrire sous forme algébrique le nombre complexe de module 2 et d'argument \(\frac{2\pi}3\).

Solution :
1) \(|z|=\sqrt{x^2+y^2}=\sqrt{3^2+4^2}=\sqrt{25}=5\)
Soit \(\theta\) un argument de \(z\).
\(\cos\theta=\frac xr=\frac35=0,6\).
La calculatrice donne \(\cos^{-1}(0,6)\approx 0,93 \text{ rad}\), donc \(\theta\approx 0,93\) ou \(\theta\approx -0,93 \text{(mod 2}\pi)\).
\(\sin\theta=\frac yr=\frac45=0,8\gt 0\) donc \(\theta\in [0;\pi]\).
On en conclut que \(\theta\approx 0,93\text{ rad (mod 2}\pi)\approx 53,1° (\text{mod }360°)\).
Ainsi : \(z\approx5[\cos(0,93)+i\sin(0,93)]\).
2) On écrit d'abord une forme trigonométrique du nombre cherché, puis on en déduit la forme algébrique :
\(2\left[\cos\left(\frac{2\pi}{3}\right)+i\cos\left(\frac{2\pi}{3}\right)\right]=2\left(\frac{\sqrt 3}{2}+\frac 12i\right)=\sqrt3+i\)

Propriété
Soit \(z\) et \(z'\) deux nombres complexes tels que \(z=r(\cos\theta+i\sin\theta)\) et \(z'=r'(\cos\theta'+i\sin\theta')\). Alors :
\(z=z'\Leftrightarrow r=r'\text{ et }\theta=\theta' (\text{mod }2\pi)\)
Autrement dit, deux nombre complexes sont égaux si et seulement si ils ont le même module et le même argument (modulo \(2\pi\)).
Remarque : On avait la même propriété avec les formes algébriques :
Si \(z=x+iy\) et \(z'=x'+iy'\) : \(z=z'\Leftrightarrow x=x'\text{ et }y=y'\)

II- Module et argument d'un nombre complexe

1) Module d'un nombre complexe

Définition
Soit \(z=a+ib\) un nombre complexe, et \(M\) l'image de \(z\) dans le plan complexe.
Le module de \(z\) est la longueur \(OM\). On le note \(|z|\).
On a donc : \(|z|=\sqrt{a^2+b^2}\).
Exercice : Calculer le module des nombres complexes suivants : \(1+i\) ; \(i\) ; \(5\) ; \(-3\) ; \(\frac 1 2 + i\frac{\sqrt 3}2\) ; \(2-3i\).
Remarque :

2) Argument d'un nombre complexe

Définition
Soit \(z\) un nombre complexe, et \(M\) l'image de \(z\) dans le plan complexe.
Un argument de \(z\), noté \(\arg(z)\), est n'importe quelle mesure exprimée en radians de l'angle orienté \((\vec{u},\overrightarrow{OM})\).
Si \(z=a+ib\), \(r=|z|\) et si \(\theta\) désigne un argument de \(z\), on a : \(\cos\theta=\frac a r\) et \(\sin\theta=\frac b r\).
Exercice : Déterminer un argument des nombres complexes suivants : \(1+i\) ; \(i\) ; \(5\) ; \(-3\) ; \(1+i\sqrt 3\) ; \(2-3i\).
Remarque :

3) Propriétés des modules et arguments

a) Conjugué et opposé
Propriété
Pour tout nombre complexe \(z\) :
  • \(|\overline z|=|-z|=|z|\)
  • \(\arg(\overline z)=-\arg(z) (\text{mod }2\pi)\)
  • \(\arg(-z)=\pi+\arg(z) (\text{mod }2\pi)\)
b) Module et argument d'un produit
Propriété
Pour tous nombres complexes \(z\) et \(z'\) (non nuls pour la deuxième propriété), on a :
  • \(|zz'|=|z|.|z'|\)
    Le module du produit est le produit des modules.

  • \(\arg(zz')=\arg(z)+arg(z') \text{ (mod }2\pi)\)
    L'argument du produit est la somme des arguments.

Démonstration :

Ecrivons \(z\) et \(z'\) sous forme trigonométrique : \(z=r(\cos\theta+i\sin\theta)\) et \(z'=r'(\cos\theta'+i\sin\theta')\). On a alors :
\(zz'=rr'(\cos\theta+i\sin\theta)(\cos\theta'+i\sin\theta')\)
\(=rr'[\cos\theta\cos\theta'-\sin\theta\sin\theta')+i(\cos\theta\sin\theta'+\cos\theta'\sin\theta)]\)
\(=rr'[\cos(\theta+\theta')+i\sin(\theta+\theta')]\)
Cette dernière expression est une forme trigonométrique de \(zz'\), dont le module est \(rr'\) et un argument est \(\theta+\theta'\), d'où le résultat.

Conséquences de la propriété fondamentale :

Propriété
Pour tout nombre complexe \(z\) et tout entier naturel \(n\) :
\(|z^n|=|z|^n\) et \(\arg(z^n)=n\arg(z) \text{ (mod }2\pi)\)

Démonstration :

Ces deux propriétés se démontrent par récurrence, en utilisant la propriété précédente.
Remarque : Le module d'une somme n'est pas égal à la somme des modules, mais on a :

Pour tous nombres complexes \(z\) et \(z'\): \(|z+z'|\leq|z|+|z'|\)(inégalité triangulaire)
Propriété
Formule de Moivre Pour tout nombre réel \(\theta\) et tout entier naturel \(n\) : \((\cos\theta+i\sin\theta)^n=\cos n\theta+i\sin n\theta\).

Démonstration :

La formule de Moivre n'est autre que la propriété précédente appliquée au nombre complexe \(z\) de module 1 et d'argument \(\theta\).
c) Module et argument d'un quotient
Propriété
Pour tous nombres complexes \(z\) et \(z'\) non nuls, on a :

Démonstration :

d) Résumé des propriétés

III- Forme exponentielle d'un nombre complexe

Introduction
Nous aurons besoin de la propriété préliminaire ci-dessous (hors programme) concernant la fonction exponentielle :
Soit \(a\) un nombre réel. La seule fonction \(f\) de \(\mathbb{R}\) dans \(\mathbb{R}\) telle que \(f'=af\) et \(f(0)=1\) est la fonction définie par \(f(x)=e^{ax}\).

Démonstration :

Posons \(f(x)=e^{ax}\). On a : \(f'(x)=ae^{ax}=af(x)\) donc on a bien \(f'=af\). De plus, \(f(0)=e^{a_times 0}=1\). Ainsi, \(f\) vérifie bien les deux conditions.
Inversement, supposons que \(f\) est une fonction qui vérifie les deux conditions \(f'=af\) et \(f(0)=1\), et démontrons que \(f(x)=e^{ax}\). Pour cela, on pose \(g(x)=\frac{f(x)}{e^{ax}}=f(x)e^{-ax}\).
Dérivons \(g\) : \(g'(x)=f'(x)e^{-ax}+f(x)\times (-a)e^{-ax}=af(x)e^{-ax}-af(x)e^{-ax}=0\).
On en déduit que \(g\) est une fonction constante. De plus : \(g(0)=f(0)e^{-a\times 0}=1\times 1=1\). Ainsi : \(g(x)=1\) pour tout nombre réel \(x\). On en conclut que \(f(x)=e^{ax}\).

Posons \(f(\theta)=\cos\theta+i\sin\theta\).
\(f\) est une fonction de \(\mathbb{R}\) dans \(\mathbb{C}\). On a : \(f:\mathbb{R}\mapsto\mathbb{C}\)
Calculons la fonction dérivée de \(f\) comme s'il s'agissait d'une fonction de \(\mathbb{R}\) dans \(\mathbb{R}\) :
\(f'(\theta)=-\sin\theta+i\cos\theta=i(\cos\theta+i\sin\theta)=if(\theta)\). Ainsi : \(f'=if\). De plus, \(f(0)=\cos0+i\sin0=1\).
La propriété préliminaire (en supposant qu'elle peut s'étendre au cas où \(a\) est un nombre complexe) permet de conclure que \(f(\theta)=e^{i\theta}\) pour tout réel \(\theta\).
Tout ceci justifie les définitions/notations suivantes :

Définition
Le nombre complexe de module \(1\) et d'argument \(\theta\) est noté \(e^{i\theta}\) : \(e^{i\theta}=\cos\theta+i\sin\theta\)


Définition
Tout nombre complexe \(z\) non nul admet une écriture de la forme \(z=re^{i\theta}\), où \(r\) est le module de \(z\) (\(r\gt 0\)) et \(\theta\) un argument de \(z\). Cette écriture est appelée la forme exponentielle de \(z\).
figure
Remarque :
Propriété
Règles de calcul avec les formes exponentielles :
Pour tous nombres réels \(\theta\) et \(\theta'\), et tout entier naturel \(n\), on a :

Démonstration :

Ces formules proviennent des faits suivants :
Remarque : Ce sont les mêmes propriétés que celles de la fonction exponentielle, étendues au cas où l'exposant est un nombre imaginaire pur. C'est ce qui justifie l'utilisation de la notation exponentielle.
Exercice : Retrouver les formules de trigo cos pi/12 etc, une grosse puissance, ...
Exercice : Déterminer la forme algébrique de \(\left(\frac{1}{2}+i\frac{\sqrt{3}}{2}\right)^{2018}\).
Complément : Les formules d'Euler Application : Linéarisation d'expression trigonométriques